L’ânier de l’apocalypse

27 juillet 2024

Je vais vous faire ici une confidence. Je viens d’être corrompu. Grâce à mes fréquentations douteuses, j’ai eu une invitation à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024. Au début, je refusais l’idée même de regarder ce machin à la télé. Vous imaginez pour celui qui la veille, a réalisé un dessin titré « les Jeux de la Honte » (un dessin qui continue en ce moment même à récolter des milliers de likes sur instagram), quelle idée de donner de mon temps à la propagande macrono-sioniste dopée à la LVMH-bollorite. Comment était-il possible de s’indigner un jour de la normalisation avec Israël en plein génocide et d’assister le jour d’après à une cérémonie qui offre une tribune mondiale à l’état sioniste. Voilà où j’en étais jusqu’à ce que je me fasse trainer sur les quais de Seine.

Oui je suis un être vil et corruptible. Je me suis laissé entrainer. Arrivé sur place, je me disais que je pouvais encore huer de toutes mes forces le passage de la péniche israélienne pour marquer le coup, pour me donner bonne conscience. Je pouvais aussi huer le président Macron, et regarder de haut cette foule manipulée par le système capitaliste qui use du spectacle pour légitimer son empire. Voilà où j’en étais jusqu’à ce que démarre le dit spectacle.

Une cérémonie grandiose

Que dire, sinon que j’ai été piégé, corrompu par la beauté du show. Je me suis retrouvé parmi la foule hypnotisé par cette chose. Je suis incapable ici de vous décrire pourquoi j’ai pu être fasciné comme un enfant par le spectacle, car ce n’est pas vraiment l’objet de mon texte. J’ai pourtant une grande envie de vous décrire la chorégraphie, d’évoquer la musique, et puis surtout les symboles empruntés à la Révolution, au « wokisme » et tout ce que vous voudrez. Je ne peux pas m’empêcher cependant de signaler ce doigt d’honneur magistral fait aux fachos, grâce à la sublime Aya Nakamura qui surgit de la coupole de l’académie et qui fait danser la très solennelle garde républicaine sur le pont des arts. Ou encore ce provocateur et sublime Philippe Katerine, qui singe Dionysos ou le Christ dans une cène aussi baroque que surréaliste. Tellement de choses à décrire, mais je ne veux pas ici me laisser entrainer dans un tel exercice sachant que ce n’est pas du tout l’objet de ce texte comme je l’ai dit plus haut.

Oui je sais, je sais, que tout cela fait partie du piège. Tout cela fait partie de la manipulation. Oui je ne suis pas dupe. Nous savons ce que l’empire est prêt à déployer en génie humain afin de mieux domestiquer la foule. Nous n’apprenons rien de nouveau en constatant que l’occident demeure toujours aussi habile à magner « en même temps », l’arme atomique et le soft power. Hiroshima n’étant que l’autre versant d’Hollywood. De la même manière que Gaza n’est que l’autre « seine » d’un massacre.

Mais mon Dieu, que c’était beau !

Et la péniche israélienne ?

La dite foule que je décris comme lobotomisée, a applaudi toutes les péniches sauf celle d’Israël. Les gens sentent les choses, quoiqu’on en dise. Par contre, une forte émotion a saisi cette même foule au passage de la délégation palestinienne. Le drapeau palestinien a pu ainsi traverser la Seine. Il a été même salué par Notre dame, je vous le dis. La criminalisation depuis Octobre du port de ce drapeau par la police et les bourgeois, n’a pas eu raison de la géométrie du triangle rouge et de ses deux bandes.

Et puis Macron a été sifflé, hué et moqué. Oui, les gens sentent les choses quoiqu’on en dise !

Je ne sais plus si ces pensées me sont venues hier durant la cérémonie, ou si c’est ce que j’essaie de me faire croire aujourd’hui pour me donner bonne conscience.

Et puis…

Et puis vint cette scène qui m’a procuré un orgasme mystique. J’ai éjaculé puis mouillé (j’ai oublié de vous dire qu’il pleuvait à torrent), quand est sorti ce cavalier métallique, galopant sur la Seine. Propulsé à grande vitesse par un moteur sous l’eau, ce cavalier couvert d’une sorte de Burnous argenté remonte le fleuve vers la tour Eiffel, sur le rythme d’une superbe musique endiablée. Une image à la fois glaçante mais sublime par son allusion à la figure biblique du cavalier de l’apocalypse .

Si j’ai écrit tout ce texte je crois que c’est d’abord pour partager avec vous cette étrange vision que j’ai eu en regardant ce cavalier de la mort…

Oui, j’ai vu Kais Saïed galopant dans l’autre sens sur un âne. Aussi étrange que cela puisse être, j’ai vu notre robot national à rebours de l’autre cavalier injuriant le public et menaçant de faire couler les sionistes et les francs-maçons. J’ai eu un doute moi le vendu à l’occident. Et si le fou avait raison ?

Puis j’ai vu de plus près sa bouche et sa dentition caverneuse. Ça sentait la cigarette et les caris. Ça puait la mauvaise haleine et ce malgré la pluie. Non non, je me suis rassuré. Rien de vrai ne peut sortir du laid.

Mais j’ai aussi compris que si les chlékistes pouvaient organiser une cérémonie grandiose sur la Sebkha, s’ils étaient capables de réunir ingénieurs, artistes, musiciens, danseurs, chanteurs, chorégraphes, cinéastes et créer un spectacle de qualité à la gloire de la sainte Chléka, j’arrêterai immédiatement toute critique contre Zabaïed et ses chlékeux, car comme je viens de l’apprendre à mes dépends, le beau me corrompt, et le beau absolu me corrompt absolument…

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